Je m’appelle L et j’ai 30 ans.
J’ai grandi dans une famille militaire, pour qui les règles étaient taboues. Durant toute mon adolescence, j’ai eu des règles abondantes, à me plier en 1000 morceaux. Porter une serviette grande taille, plus un tampon, avoir peur de la fuite, rechigner d’aller aux cours de sport.
“La douleur est dans la tête “, leitmotiv de militaire qui m’a accompagnée toute ma vie. Serrer les dents, ne jamais se plaindre. 14 ans, sous pilule, le corps qui se détraque, mais sans aucune autre manière de faire. Je me sens à côté de mes copines.
À l’âge adulte, je décide d’arrêter la pilule. Quelques cycles plus tard, je la reprends, en espérant arrêter toute cette souffrance, ces règles hémorragiques, les diarrhées intempestives et les crampes. Je tombe enceinte sous pilule, petit miracle que je décide de chérir.
Un déclenchement, une césarienne en urgence, 42h plus tard, je tiens ma fille entre mes bras. La pilule s’oublie, je ne poursuis pas. Les douleurs reviennent, mais les différents gynécos me disent “césarienne mal faite”, “vous n’aimez pas votre enfant, c’est dans votre tête comme vous n’avez pas accouché naturellement”. IRM, scanner, échographies, rien n’est décelé. J’abandonne les examens médicaux, et je souffre en silence.
Et puis enfin, 2022, le verdict. Endométriose et adénomyose profondes. Vessie, rectum, ligaments utero sacrés, ovaires, tout est lésions. Je ne suis pas folle, ce n’est pas dans ma tête. Soulagement.
Premier traitement par pilule, l’impression de ne plus être moi-même. Deuxième traitement, injections de Decapeptyl, le traitement de ménopause artificielle. J’enchaîne 20 kg en plus, les bouffées de chaleur, la sécheresse de peau, vaginale, les cheveux qui tombent. Mais c’est normal, c’est le traitement…avant l’opération.Deux mois plus tard, après d’affreuses douleurs post opératoires à vouloir se taper la tête contre les murs, je profite. Un corps sans douleurs, je reprends le yoga, je revis… Quelques mois plus tard, des rapports sexuels à en pleurer, une fatigue constante et des douleurs qui reviennent. Je vis dans un corps mutilé, sans autre espoir que l’attente d’un traitement et l’apprivoisement de la douleur. Je marche avec une canne certains jours, quand la douleur vrille le cerveau, m’empêche de réfléchir et de me lever. Je suis la moitié d’une maman, fatiguée de se battre, de faire bonne figure, de me taire, de me justifier.